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Atelier multisectoriel de l'AEN – allocution d'ouverture de la présidente Velshi

Le 14 décembre 2020
Virtuellement de Toronto (Ontario)
– Le texte prononcé fait foi –

Introduction

Bonjour à tous,

Je suis ravie d’être ici avec mon bon ami, Bill Magwood, pour lancer cette initiative importante et opportune qui vise à cerner les défis et les avantages de l’harmonisation des processus d’autorisation pour les technologies novatrices.

Je suis très heureuse que l’atelier soit animé par mon collègue et premier vice-président de l’organisme de réglementation nucléaire du Canada, M. Ramzi Jammal, dont la compétence n’est plus à démontrer.

L’innovation a des répercussions dans le monde entier, et le secteur nucléaire n’y échappe pas.

Beaucoup d’entre vous viennent de secteurs qui ont été touchés par l’innovation ou qui le sont encore.

Qu’il s’agisse de drones ou de voitures sans conducteur, en passant par la modification génétique et les monnaies numériques, cette ère d’innovation ne montre aucun signe de ralentissement et devrait continuer à progresser à un rythme de plus en plus rapide.

Ce rythme force les organismes de réglementation à examiner sérieusement les processus, les normes et les exigences afin de déterminer s’ils sont adaptés aux technologies novatrices.

Et comme de nombreux organismes de réglementation ont des objectifs communs, comme la sûreté en tout temps et la nécessité d’être prêts à réglementer des technologies novatrices, il est logique de collaborer le plus possible et d’optimiser nos ressources limitées, qu’elles soient humaines, informatiques ou technologiques.

J’espère que les réponses à l’innovation de certains d’entre vous, issus d’autres secteurs, permettront aux organismes de réglementation nucléaire de tirer des leçons, qu’il s’agisse de bons coups ou de points à améliorer.

Il est particulièrement intéressant de connaître les occasions ou les défis générés par l’harmonisation.

L’innovation encourage-t-elle ou permet-elle automatiquement une harmonisation accrue?

Ou encore, l’harmonisation demeure-t-elle un idéal inaccessible, où les acteurs nationaux se contentent de faire des déclarations du bout des lèvres, de poser des gestes ou de prononcer des paroles vides de sens, tout en continuant à travailler principalement chacun de leur côté?

J’attends avec impatience de connaître vos points de vue et d’en tirer des leçons au cours des cinq prochains jours.

J’espère que cette rencontre nous aidera à progresser efficacement et en toute sûreté.

En tant que présidente de l’organisme indépendant de réglementation nucléaire du Canada, la Commission canadienne de sûreté nucléaire (ou CCSN), et comptant près de 40 ans d’expérience dans le secteur nucléaire canadien, j’ai fait de la collaboration en matière d’innovation, dans un but d’harmonisation, l’une de nos priorités absolues.

Se préparer à l’innovation

Nous avons dû gérer notre part d’innovation au Canada, mais celle-ci était essentiellement axée sur le cycle du combustible CANDU, ou sur la technologie des réacteurs à eau lourde sous pression, qui domine le secteur nucléaire canadien.

Plus récemment, la pandémie de COVID-19 nous a obligés, notre communauté réglementée et nous, à innover de manière inattendue, notamment en utilisant les technologies virtuelles pour les inspections, la surveillance et le contrôle.

Je suis heureuse d’annoncer que nous, en tant qu’organisme de réglementation, et notre communauté réglementée avons obtenu des résultats exceptionnels pendant la pandémie, ce qui témoigne de l’importance que nous accordons à l’agilité et à l’amélioration continue.

En fait, d’après ce que j’ai vu, je dirais que le secteur nucléaire mondial a géré la situation durant la COVID de manière tout à fait admirable.

Nous savons que les exploitants nucléaires, au Canada et ailleurs, ont l’intention d’adopter des technologies novatrices plus avancées à l’avenir.

Ces innovations comprennent la robotique, l’informatique quantique et l’intelligence artificielle, la fabrication additive et la cybersécurité avancée.

Au Canada, nous estimons que nous devons faire tout ce qui est raisonnable pour nous préparer à examiner ces technologies et à les réglementer, si la Commission les approuve.

Comme je le dis souvent, notre rôle est de protéger les gens contre les risques, et non contre le progrès et l’innovation.

Et comme le Canada n’est pas le seul pays à être confronté à l’innovation imminente dans le secteur nucléaire, il est impératif que nous collaborions le plus possible.

Il est improbable que l’un d’entre nous trouve toutes les réponses dont il a besoin de son côté.

Les petits réacteurs modulaires (ou PRM), en sont un excellent exemple.

Collaboration en matière de PRM

Ces technologies gagnent rapidement en popularité dans le monde entier et constituent une option intéressante pour répondre aux besoins d’électrification et de chauffage dans les régions éloignées et pour atteindre les cibles en matière de changement climatique, entre autres applications potentielles.

Au Canada, il est manifeste que les gouvernements et les promoteurs envisagent sérieusement d’adopter les technologies de PRM.

Le gouvernement canadien publiera un plan d’action sur les PRM avant la fin de 2020.

Quatre provinces ont accepté de collaborer à la mise au point et au déploiement des PRM.

Ontario Power Generation, un exploitant de centrale nucléaire en Ontario, a annoncé le mois dernier son intention d’adopter une technologie de PRM sur son site de Darlington dans le cadre d’un permis délivré en 2012.

Nous avons rapidement dépassé le stade de la théorie, puisque la CCSN examine actuellement sa première proposition de microréacteur modulaire au Canada.

Ce prototype s’inscrit parfaitement dans l’histoire du développement de la technologie CANDU au Canada : construire une tranche de démonstration, l’examiner et l’évaluer, et y apporter les améliorations nécessaires avant de déployer une tranche commerciale.

La conception, un réacteur à haute température refroidi au gaz, a fait l’objet d’un examen par le personnel de la CCSN dans le cadre de notre service d’examen de la conception du fournisseur, que nous offrons depuis plusieurs années et qui s’est avéré très populaire auprès des fournisseurs de PRM.

Ce service n’offre aucune garantie d’autorisation, mais donne une bonne idée, préalable à l’autorisation, des difficultés potentielles à satisfaire aux exigences canadiennes.

Elle offre aussi au personnel de la CCSN une occasion importante d’examiner des conceptions qui ne lui sont pas familières.

À l’heure actuelle, 12 conceptions en sont à différentes étapes du processus.

Ni le microréacteur modulaire proposé ni aucun des 12 modèles que nous examinons ne ressemblent à la technologie CANDU à laquelle nous sommes si habitués.

Conscients du grand intérêt que suscitent les technologies de PRM dans le monde entier et de la nouveauté des modèles pour nous, nous avons encouragé les activités de collaboration internationale sur les PRM et nous y avons participé très activement.

Ce travail nous permet de mettre en commun les connaissances, les meilleures pratiques et les leçons apprises avec nos pairs.

Nous sommes une voix importante au sein du Forum pour les organismes de réglementation des PRM de l’Agence internationale de l’énergie atomique (ou AIEA), ainsi que des groupes de travail de l’Agence pour l’énergie nucléaire (ou AEN) pour les PRM.

En février dernier, j’ai eu l’honneur d’être nommée présidente de la Commission sur les normes de sûreté (ou CNS) de l’AIEA.

La CNS établit des normes relatives à la sûreté nucléaire, à la radioprotection, à la sûreté du transport et des déchets, ainsi qu’à la préparation et l’intervention en cas d’urgence.

Je travaillerai avec mes collègues de ce groupe pour accorder la priorité à l’établissement de normes de sûreté pour les PRM, ce que j’espère que nous pourrons faire pendant mon mandat à titre de présidente.

Et au cours des deux dernières années, nous avons signé des accords avec les organismes de réglementation nucléaire des États-Unis et du Royaume-Uni pour guider nos efforts concertés sur les PRM.

Nous nous sommes notamment penchés sur la communication des constatations réglementaires tirées des examens techniques de la conception, et nous avons exploré l’élaboration d’une orientation commune relative à l’examen des demandes de permis de nouvelle construction.

Les activités en cours à l’AIEA et à l’AEN, combinées à notre travail avec les États-Unis et le Royaume-Uni, renforceront sans aucun doute la nécessité d’optimiser le plus possible l’harmonisation.

Compte tenu du nombre de technologies novatrices susceptibles d’être soumises aux organismes de réglementation et du nombre limité de spécialistes dans le monde entier, nous devons optimiser l’efficacité du processus tout en restant bien sûr fidèles à notre objectif de sûreté.

Les organismes de réglementation nucléaire du monde entier en profiteront, des plus matures aux plus novices.

J’ai été heureuse d’apprendre que l’Association nucléaire mondiale, en collaboration avec le Groupe des propriétaires de CANDU, publiera au cours de cet atelier un livre blanc qui examine les pratiques exemplaires en matière d’harmonisation, ce que nous avons demandé. L’Association nucléaire mondiale et le Groupe des propriétaires de CANDU ont aimablement dirigé cette initiative.

J’espère que tout ce travail, de même que les constatations et les leçons que vous partagerez au cours des prochains jours, jetteront les bases d’importants progrès en matière d’harmonisation et nous aideront à progresser.

Mais je sais que le chemin pour y parvenir sera difficile et qu’il y aura probablement des obstacles importants à surmonter.

Harmonisation mondiale

Avant tout, nous serons confrontés à des préoccupations concernant la réglementation et la souveraineté nationale.

Cela n’est pas unique au secteur nucléaire : dans pratiquement tous les secteurs, les gouvernements et les autorités nationales insistent sur l’approbation finale par le pays de l’adoption d’une technologie.

Le processus d’autorisation est la dernière occasion dont disposent les autorités nationales pour décider si une conception ou une technologie proposée est suffisamment sûre dans leur contexte particulier.

Je ne pense pas que cette dynamique soit susceptible de changer de sitôt.

En y réfléchissant, j’en suis venue à la conclusion que, avant de travailler à l’harmonisation du processus d’autorisation, nous devrions peut-être nous concentrer sur l’harmonisation des autres éléments qui permettront de prendre des décisions cohérentes et éclairées dans le monde entier.

Je pense que cela signifie d’encourager la mise en commun des examens réglementaires pour établir des fondements techniques, comme nous le faisons avec les États-Unis et le Royaume-Uni.

Les autres pays faisant usage de la technologie nucléaire devraient être rassurés si les examens menés par nos trois organismes de réglementation, matures et respectés, concluent que nous n’avons aucune réserve quant à l’autorisation d’une technologie.

Plus nous réaliserons des examens et les mettrons en commun, meilleurs seront nos fondements.

Grâce à ces connaissances, nous pouvons examiner de près nos cadres de réglementation pour nous assurer que les exigences sont proportionnelles aux risques présentés par une technologie ou une catégorie de technologies.

Si nous constatons qu’elles ne le sont pas, nous pourrons nous efforcer d’établir des normes internationales harmonisées qui soient proportionnelles aux risques et qui, au minimum, permettent de répondre aux besoins de tous les pays.

C’est un point sur lequel j’espère progresser grâce à la CNS.

Je suis heureuse que l’AIEA a déjà commencé à prendre des mesures à cet égard.

Une analyse est en cours pour s’assurer que les normes de l’AIEA peuvent être appliquées d’une manière technologiquement neutre et proportionnelle au risque.

On envisage également d’élaborer un programme de travail complet qui aidera les États membres à choisir l’emplacement des PRM, à les concevoir, les exploiter, les évaluer et les réglementer, et ce, en toute sûreté.

Toutefois, les organismes de réglementation pourraient également s’efforcer d’établir des exigences harmonisées qui soient acceptables pour tous les pays.

De cette façon, nous pourrions progressivement établir la confiance entre les gouvernements, les organismes de réglementation et le public, pour parvenir enfin à un point où les processus d’autorisation et d’approbation peuvent être harmonisés.

Cela pourrait être particulièrement pertinent pour certaines technologies de PRM qui seront produites sur une chaîne de montage et expédiées dans le monde entier.

L’approbation d’un modèle au Canada et dans un ou plusieurs autres pays peut suffire pour que d’autres pays adoptent cette approbation, une fois qu’un nombre suffisant de modèles auront été installés et exploités pour acquérir une certaine expérience de l’exploitation et un certain confort.

Ou peut-être que cela n’arrivera jamais.

Ce sont là quelques-unes des questions et des variables dont j’espère que vous tiendrez compte pendant l’atelier.

Conclusion

Une bonne harmonisation des PRM permettra de tirer des leçons importantes et constituera un fondement précieux en vue d’adopter la même approche pour d’autres technologies novatrices.

Je pense que nous nous devons à nous-mêmes, à notre communauté réglementée, et au public que nous protégeons, d’envisager diverses possibilités.

Il faudra déployer un effort concerté pour établir et maintenir la confiance.

Il nous faut d’abord instaurer un climat de confiance entre les organismes de réglementation afin d’être certains que nous sommes tous sur la voie de l’harmonisation pour les bonnes raisons et avec les bonnes intentions.

Il faut enfin instaurer avec les promoteurs et le public un climat de confiance à notre égard en tant qu’organismes de réglementation et à l’égard des processus d’autorisation que nous avons mis en place et des décisions que nous prenons.

J’aimerais donc vous soumettre quatre défis à examiner durant l’atelier :

  1. Comment ferons nous en sorte d’établir des exigences de sûreté claires et axées sur les risques, qui reflètent notre compréhension des risques actuels des technologies présentées, et qui permettent et encouragent l’innovation et les progrès techniques?
  2. Comment tirer profit des leçons apprises et de l’expérience de l’exploitation en matière d’harmonisation d’autres secteurs à haute fiabilité, comme les transports, notamment le transport aérien, l’industrie pharmaceutique et les finances?
  3. Où se situe l’équilibre entre l’harmonisation et la souveraineté des organismes de réglementation nationaux? Sommes-nous limités aux examens, aux normes et aux exigences ou sera-t-il possible d’harmoniser les processus d’autorisation et les approbations?
  4. Comment les organismes de réglementation peuvent‑ils s’embarquer dans cette aventure tout en garantissant la confiance du public à leur égard et à l’égard de leurs processus et décisions?

Il est peut-être trop optimiste de penser que nous pourrons relever pleinement ces quatre défis au cours des cinq prochains jours, mais je salue vos efforts et je vous remercie de mettre à profit vos idées et votre expérience pour nous aider à faire les premiers pas.

J’espère que cet atelier sera productif.

Merci.

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